Franck Shepard Fairey est un artiste, graffeur, designer, graphiste, sérigraphiste, muraliste, DJ et … activiste américain. Difficile de lister les talents polymorphes de cet artiste touche à tout, né dans le sud des Etats-Unis en 1970. Influencé très tôt par l’univers du skate, Shepard Fairey est aujourd’hui mondialement connu pour ses travaux de street-art.
La reconnaissance internationale de Shepard Fairey est liée à son travail sur les visuels de la campagne électorale de Barack Obama en 2008 : HOPE.
Cette sérigraphie aux couleurs de l’amérique, devenue virale avait permis au sénateur de l’Illinois, candidat à la Maison Blanche de se faire connaître. A l’origine, il s’agit d’un cliché de Mannie Garcia, photographe indépendant. Shepard Fairey s’empare de ce visuel pour le travailler en affiches. Clairement inspirée de l’esprit des visuels de propagande soviétique des années 30, mais aussi des travaux d’Andy Warhol et de Rodtchenko, la série Hope, initialement nommée « Progress », s’appuie sur un traitement graphique opposant deux couleurs primaires, l’ensemble est soutenu par un contraste puissant. Le regard de Barack Obama, regardant vers l’angle supérieur droit est ce qu’il y a de plus construit et efficace. Le vocable HOPE pour espoir ou espère, utilise la typographie Gotham, «Les lettres géométriques du Gotham sont sans sérif et ont été tracées à partir du lettrage du terminal de bus de la 8e Avenue. La Gotham est donc une émanation des écritures urbaines, une police typiquement américaine. »
« Surtout, la construction de HOPE rappelle le visuel communément employé pour représenter « El Guerillero Heroico » : Che Guevara. Cette autre image emblématique s’inspire également d’une photo, prise cette fois par Alberto Korda.
Cette proximité « serait-elle une sorte de piège à double sens, véhiculant sur Obama un message ambigu ? » s’interroge Béatrice Fraenkel. « À regarder de plus près l’organisation de la campagne électorale, qui fut la rampe de lancement de l’affiche, on découvre que la « révolution militante » prônée par les responsables du marketing d’Obama pourrait fort bien s’accommoder d’un détournement de références révolutionnaires ».
Earth Crisis
En novembre 2015, c’est par l’intermédiaire de son projet EARTH CRISIS que Shepard Fairey revient sur le devant de la scène internationale. Il s’agit d’une réprésentation du globe terrestre, inaugurée à l’occasion de la Conférence mondiale sur les changements climatiques COP21. Une sphère géante de 2,3 tonnes pour 8 mètres de diamètre suspendue entre le premier et le deuxième étage de la Tour Eiffel, à plus de 60 mètres au-dessus du sol.
Pour Shepard « Je ne suis pas un alarmiste, mais je pense que les gens doivent comprendre que nous sommes confrontés à une crise de la terre… J’espère que Earth Crisis interpelle visuellement et génère une conversation nécessaire sur la protection de notre planète pour les générations futures. » Pour accompagner ce nouveau projet, les graphismes qui ornent la sphère sont recencés dans un ouvrage de collection. Ils sont complétés de visuels complémentaires, correspondant au travail de Shepard Fairey dans la lutte pour protéger l’environnement.
« Chaque pièce d’art a été créée dans des tons bleus et aquatiques qui nous rappellent que nous avons besoin d’air pur, d’eau et de végétation pour soutenir la planète… ».
D’une révolution l’autre
Huit ans après avoir créé HOPE, Shepard Fairey recycle et distribue gratuitement aux milliers d’Américains venu manifester le jour de l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier 2017, un nouveau visuel incarnant l’espoir. La campagne WE THE PEOPLE apparaît en pleine page du New York Times et du Washington Post, le jour de l’investiture de Donald Trump.
L’image qui réutilise la composition de HOPE, présente cette fois, trois visages de femmes de cultures différentes, symbolisant le « melting pot » de la population. Si, le nom de cette campagne fait référence aux premiers mots du texte de la constitution américaine.
Il est souligné, dans chaque modèle, «Defend dignity» («défendons la dignité»), «Are greater than fear» («sommes plus forts que la peur»), «protect each other» («nous protégeons les uns les autres») qui correspondent au reste du premier paragraphe. Ces posters seront largement employés, notamment lors de la « marche des femmes », le lendemain de l’investiture de D.T. …
André le géant et sa bande
Assurément l’image emblématique véhiculée par HOPE a permis de faire connaître au plus grand-nombre, le travail artistique de Shepard Fairey et le sortir des mondes moins « mainstream » du skate et du street-art.
A l’origine, c’est en expliquant la technique des pochoirs à un ami, que Fairey utilisa une publicité magazine pour un catcheur. Le catcheur c’est André Roussimoff, plus connu sous les pseudonymes de André The Giant, Géant Ferré ou Monster Eiffel Tower. C’est le seul catcheur français à avoir été champion du monde. Atteind de gigantisme, André Roussimoff mesurait 2,24 m pour un poids de 235 kg.
Dans une volonté parodique, Fairey Shepard décide de faire de cette image « ringarde », un truc « cool ». « Je venais de trouver ma voie ! J’ai tout de suite réalisé un autocollant : Andre the Giant has a posse* ». Cet autocollant, il le colle partout et se lance dans une campagne de propagande, enchainant en 1993 avec la fabrication d’affiches sérigraphiées. Au fil du temps, acteurs de la contre-culture et adolescents s’approprient l’image d’Andre the Giant has a posse* et la diffusent largement.
En 1995, le designer associe le terme Obey (écrit en lettres blanches sur fond rouge) à son image du Géant et à son agence de création qui devient Obey Giant. Ce terme, « obéis » est une citation extraite d’un film de John Carpenter « They live » qui évoque la manipulation d’une société à l’aide entre autres de messages subliminaux.
Dès lors, le paradoxe exprimé par l’injonction « OBEY » inscrite sur des affiches posées illégalement, appelle implicitement à la désobéissance …
Hope, Obey, Buy & Medidate !
Shepard met ainsi sa créativité au service d’une critique politique et sociale empreinte d’une énorme contradiction : il comprend que plus les images du Géant sont diffusées, plus elles prennent de la valeur pour les professionnels de la communication car elles semblent tout droit sorties de la niche rebelle de l’art de rue. Au même moment, elles se dévaluent auprès de ceux qui arboraient Obey Giant comme la marque d’appartenance un club élitiste.
De même en utilisant les codes du marketing et de la société de consommation, l’agence Obeygiant, qui diffuse les créations de Fairey via son site, donne le sentiment de commercialiser de la rébellion à bon compte, brouillant les frontières entre le grand art et l’art commercial. Finalement, en empruntant largement les codes graphiques du XXe, en s’inspirant d’artistes tels qu’Andy Warhol ou Barbara Kruger, en piochant dans l’imagerie iconique rebelle ou punk, Obey Giant devient une référence en matière de recyclage et en artisan de propagande parodique.
Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Shepard_Fairey
obeygiant.com : le site de l’agence Obeygiant
La galerie Pinterest dédiée : https://fr.pinterest.com/lcdesignpin/obey/